Gérer la descente

Gérer la descente

Gestion de la descente

Affirmation 1 : “Pour descendre, il suffit de pousser sur le manche.”
Affirmation 2 : “En tirant bien fort, ça devrait fonctionner aussi !”

L’une de ces deux affirmations est tout de même préférable…

Gérer une descente a l’air a priori simple, mais c’est l’occasion de se confronter à plusieurs contraintes, et dans tous les cas, l’anticipation est nécessaire. En effet, nos avions sont faits pour voler, c’est à dire que le fait d’avancer génère de la portance, et celle-ci s’opposant au poids, elle empêche l’avion de descendre. Or, quand on met l’avion en descente, le poids l’entraînant vers le bas, il agit comme un “moteur” supplémentaire, et il fait accélérer l’avion, ce qui crée de la portance, et l’empêche de descendre. Parsembleu ! C’est exactement l’inverse de l’effet recherché. Du coup il faut pousser encore plus fort sur le manche, l’avion accélère encore plus et descend encore moins…

Les contraintes lors de la descente sont les suivantes :

  • Pente – profil du vol
  • Turbulences
  • VNE : velocity Never Exceed / vitesse à ne jamais dépasser
  • VNO : Velocity Normal Operation / vitesse d’opérations en air calme
  • contraintes mécaniques – température moteur

Pente – profil du vol

Quand on vole au-dessus de 4000 ft, il faut prévoir sa descente. En effet, arriver trop haut peut empêcher de respecter les contraintes du contrôle, voire mener à une arrivée sur un plan trop haut en finale. Cette situation est accidentogène et mène fréquemment à des sorties de piste, puisque pour résorber l’altitude excédentaire on peut être tenté d’augmenter la pente suivie, ce qui fait augmenter la vitesse, qu’il ne sera sans doute pas possible de résorber avant le début de la piste. Résultat classique : poser long, freinage fort, sortie de piste.

Planifier sa descente peut se faire de deux manières:

  1. raisonnement en TEMPS
  2. raisonnement en DISTANCE

TEMPS : 

Il est aisé de planifier sa descente en considérant un taux fixe (par exemple 500 ft/min). Si l’on divise l’altitude à perdre par ce taux, on obtient le temps duquel il faut anticiper la descente.

Ex : vol à 8500 ft, contrainte 2500 ft à WL. 8500 – 2500 = 6000 ft à perdre
6000 ÷ 500 = 12
Il faudra commencer à descendre plus de 12 minutes avant le point qui contraint le pilote.

Remarque : quand on a des passagers, il est recommandé d’utiliser un taux de 500 ft/min. A partir de 700 ft/min, la descente devient sensible aux oreilles d’un sujet qui se porte bien. A partir de 1000 ft / min elle devient gênante, et au-delà de 1500 ft/min, il faut en avoir l’habitude pour bien la supporter. Quand on a de jeunes enfants à bord, il faut privilégier les descentes à faible taux, autour de 300 ft/min en moyenne et 500 au maximum. Dans tous les cas, renseignez-vous sur vos passagers, ont-ils une otite ou tout simplement un rhume. Si tel est le cas, prenez vos dispositions pour pouvoir anticiper une descente douce, comme pour les bébés, autour de 300 à 500 ft/min (ceci est un maximum absolu pour ces personnes). Sans oublier que quand vous posez la question, les passagers disent toujours que tout va bien, même si tel n’est pas le cas.
Une descente trop rapide peut créer un barotraumatisme, ce qui est extrêmement douloureux et peut empêcher de piloter pendant la suite du vol, ce n’est vraiment pas à prendre à la légère (l’oreille étant le centre de l’équilibre)

DISTANCE :

Le problème est qu’on ne connait pas forcément le temps qu’il reste. L’autre problème est qu’en mettant l’avion en descente, il est fréquent que celui-ci accélère, et que le temps restant soit diminué. Ce qui fausse le calcul précédent.

Si l’on connait la distance restante, avec un repère sol, ou grâce au GPS bien entendu, il est possible, en se fixant un angle de descente, de calculer la distance à laquelle anticiper sa descente. Un avion léger, de par ses qualités aérodynamiques, suivra facilement un plan situé entre 2° et 3° ,  4 degrés dans certaines conditions. Un avion de ligne descendra de son altitude de croisière aux altitudes d’interception des approches sur un plan situé entre 3 et 4 degrés, parfois 5.

La formule est la suivante (si l’on considère un plan de 3 degrés) : 

D(NM) = Δ FL ÷ 3

exemple précédent : 8500 ft -> 2500 ft

Δ FL = 85 – 25 = 60
60 ÷ 3 = 20NM

Il faut débuter la descente au moins 20 NM avant le point où se trouve la contrainte.
Pour les curieux, la démonstration mathématique de cette formule est dans ce document. En deux mots, cette formule “magique” implique des simplifications qui font intervenir 180/π=60 et la conversion 1 NM = 6000 ft, qui s’annulent.

Turbulences

Selon leur construction, les avions peuvent supporter des facteurs de charge limités. Les contraintes mécaniques qui agissent sur les ailes et les gouvernes sont d’autant plus grandes que la vitesse est élevée. Le facteur de charge n’est pas subi qu’en virage ou lors d’un ressource, mais aussi à chaque turbulence.
Pour limiter l’effet des turbulences sur la structure, il faut réduire la vitesse.

Une turbulence est un mouvement de l’atmosphère, la plupart du temps vertical, qui se produit sur une distance donnée. Si l’on diminue sa vitesse, on met plus de temps pour passer d’une atmosphère calme à une zone où l’air a un mouvement vertical. Ce temps détermine l’accélération subie par la structure de l’avion.

Sur les avions légers que nous avons à l’aéroclub, réduire à 80 kt environ permet de limiter les effets des turbulences. C’est aussi valable en descente évidemment, puisqu’on a tendance naturellement à accélérer.

VNE/VNO

Deux vitesses contraignent la descente.

La VNE est la vitesse qu’il ne faut pas dépasser. Au-delà de la VNE :
– peuvent apparaître des phénomènes de résonance, accentués par les turbulences.
– les efforts subis par l’avion lors de la manipulation des gouvernes deviennent trop grands et dépassent les limites structurelles de l’avion.

La VNO est la vitesse au-dessus de laquelle il ne faut pas :
– voler en air turbulent (voir ci-dessus)
– utiliser le plein braquage des gouvernes (limites structurelles)

Contraintes moteur

Le moteur est une masse métallique qui se dilate lorsque la température augmente et se contracte lorsque la température diminue. Les jeux à l’intérieur du moteur sont parfois inférieurs au centième de millimètre. Lorsque le métal se contracte trop vite, les liens moléculaires se brisent et des criques peuvent apparaître.

Lorsqu’on réduit les gaz, on apporte moins d’énergie thermique et le moteur se refroidit.

  • Le moteur du PA28 (Lycoming O-360 ; masse environ 160kg) fonctionne communément à des températures cylindre situées autour de 180-210°C. Cependant, lors d’une descente rapide (augmentation de la vitesse = meilleur refroidissement / réduction des gaz = moins de production de chaleur), la température interne peut chuter de 80 degrés en quelques secondes. Cette forte diminution fragilise fortement le métal et les criques apparaissent assez rapidement.
  • Le moteur de l’APM30 (Rotax 912 ; masse environ 65 kg) fonctionne à des températures d’huile situées majoritairement entre 65 et 110°C. Mais lors d’une réduction des gaz et une descente rapide, la température d’huile peut passer de 110°C à 60, voire 50°C en quelques secondes. La faible inertie thermique de ce moteur en est la cause. C’est aussi un avantage : moteur plus léger = un pax en plus pour la même masse totale.

Ainsi, quand on réduit les gaz, il faut quoi qu’il en soit le faire avec précaution et sans brutalité pour diminuer ces chocs thermiques. Cela nécessite donc de l’anticipation.

Comment gérer une descente ?

Cas concret : je rentre de Gap où j’ai mangé un fameux B52’s burger servi par de charmantes demoiselles, à l’ombre sur la terrasse du restaurant, non loin du brumisateur qui maintient la température du pilote à des valeurs acceptables, en observant les parachutistes se poser à quelques mètres de la terrasse. J’arrive aux antennes du Lachens à 8500 ft, les Alpes sont plus belles vues de haut, et cela me laissait le loisir de trouver un champ dans les vallées de Séranon au cas où quelque évènement fâcheux mais évidemment prévu m’y contraindrait. Le contact radio et radar est aussi meilleur quand on est haut en zone montagneuse.

Cependant la carte VAC de Cannes m’indique que je dois être à 2500 ft au point N. 

Lachens

Mon calcul me dit que je dois commencer la descente au moins (85-25=60    ;    60/3 = 20)    20 NM avant le point N si je veux respecter un angle de descente de 3 degrés. C’est trop court. Même en prenant un angle de 4 degrés, il faudrait 15 NM pour arriver à 2500 ft à N.

Il faudra donc anticiper la descente en gardant une marge suffisante par rapport aux reliefs, en surveillant les planeurs au nord de Fayence, mais surtout réduire les gaz suffisamment tôt et progressivement pour permettre à la température du moteur de diminuer lentement jusqu’à (CHT environ 150°C pour le PA28, Huile environ 70°C pour l’APM30) la température à laquelle il se stabilisera en descente. Une fois la température atteinte, on pourra pousser sur le manche pour accélérer l’avion et tenter de respecter l’altitude requise au point d’entrée de la CTR.

Nouvelle contrainte : aujourd’hui, au sol à Cannes léger vent du sud pour 5 KT, mais en altitude s’établit le mistral qui nous donne du 330 pour 15KT. La descente se faisant sous le vent du Lachens, des turbulences sont à prévoir.
Autre cas fréquemment rencontré : tour de la CTR de Nice par le nord et descente sur le Col d’Eze pour rejoindre Menton à 1000 ft. Des thermiques sont à prévoir sur les reliefs orientés sud, au soleil et au vent.

Là encore, il faudra anticiper la réduction de vitesse pour ne pas entrer dans la zone prévue de turbulences trop rapide, et dans tous les cas pas au-dessus de la VNO (arc jaune).

Pour en revenir à notre arrivée prévue sur Cannes depuis le nord au FL085, les contraintes sont donc nombreuses : 
– altitude 2500 ft imposée à N
– turbulences (orographiques ou thermiques) prévues entre le Lachens et N
– plan de descente fort
– moteur chaud

Si l’on veut rester sur un plan de descente de 3°, dans des vitesses compatibles avec l’utilisation de l’avion, il faut alors

  • anticiper la réduction des gaz pour diminuer la vitesse de l’avion
  • anticiper la réduction des gaz pour permettre à la température du moteur de se stabiliser tranquillement à une valeur plus basse
  • prévoir une trajectoire plus longue et pas forcément la trace directe (détour vers l’ouest avant la CTR, arrivée par WL, voire DR, en plus c’est joli)

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