Flash Sécurité #2

Flash Sécurité #2

On s’améliore, on apprend, de différentes manières. Trois grands axes de progression :
  1. on s’entraîne, seul ou avec un instructeur
  2. on profite de l’expérience de ceux qui ont fait l’erreur avant nous
  3. on laisse faire Darwin … c’est le pire.
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Ce petit bulletin, premier du nom en ce qui me concerne, n’a pour seule prétention que de traiter du second point avec quelques événements qui sont survenus au club dans les six mois précédents, pour asseoir nos connaissances et se dire que ça n’arrive pas qu’aux “autres” (qui sont souvent très loin).
 

Sortie de piste du Lion

Un pilote est parti seul avec le Lion, il est habitué à cet avion et le prend régulièrement, en double commande ou seul à bord. Ce jour-là, il y a très peu de vent (variable 2 à 3 KT, parfois légèrement nord) et lors du dernier atterrissage après quelques tours de piste en 17, l’avion sort de piste à gauche juste avant la sorte A5. Le pilote a ramené son avion sans autre souci au hangar après cet indicent sans gravité (1).
 
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Après inspection de l’avion le lendemain, rien de suspect n’est remarqué. Les plaquettes et les disques sont en parfait état, il n’y a pas de fuite hydraulique et après essais, l’avion freinant parfaitement est remis en service.
 
La cause la plus probable de cet incident est que les palonniers aient été mal réglés. En effet, il est possible de régler leur position pour s’adapter aux plus grands comme aux moins grands (je ne parle que de taille !). Il y a trois positions de réglage.
Il est probable que le palonnier de gauche ait été réglé plus en arrière (plus vers le pilote) que le palonnier droit (vers le monteur).
Peut-être qu’en freinant pour dégager la piste, un ancien réflexe de presser sur les deux palonniers (pour freiner comme sur le DR400 ou le PA28) les a ramenés au même niveau, et, le stress de la situation aidant, que le pilote a eu l’impression de garder sa roue dans l’axe en ressentant une pression équivalente alors qu’en réalité la roue avant était orientée vers la gauche.
 
Palonniers réglables
 
Parallèlement à cet incident, j’ai remarqué une autre fois qu’après un autre pilote, les palonniers étaient décalés de la sorte.
Il est noté dans le manuel de vol de l’APM-30 :
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Conseils :
– avant votre prochain vol, restez sur l’aile et penchez-vous dans l’avion pour vous remémorer comment le système de réglage des palonniers fonctionne, de visu.
– lors de la visite prévol, assurez-vous que la roue avant est dans l’axe de l’avion (quitte à soulever légèrement le nez en pressant sur la partie fixe de la profondeur, et en alignant la gouverne de direction)
 
Note :
(1) cet incident a été sans gravité, il aurait pu en être tout autrement en 04/22 avec les hélicos garés sur l’herbe…
(2) attention : un réglage dyssymétrique des palonniers qui pourrait être géré correctement de jour, serait très handicapant en vol de nuit à cause des sensations antagonistes procurées au pilote qui se croit en vol symétrique avec les pieds au même niveau, mais qui induit une dyssymétrie du vol et un virage constant, même en gardant les ailes à plat.
 
Prévol mal effectuée
Un pilote sérieux et habitué à l’avion roule vers le point d’arrêt pour des tours de piste. Au cours des essais moteur, lors de la sélection, il s’aperçoit qu’un allumage perd plus de 400 RPM. Retour hangar, ça se finit bien.
 
Seulement en rentrant au hangar, il s’aperçoit que seulement quatre ou cinq vis tiennent le capot.
En effet, l’avion était en maintenance et une bougie était démontée pour remplacement.
 
Une visite prévol correcte inclue aussi la vérification de toutes les attaches, vis, charnières, écrous nylstop, écrous standard et freinages associés (fil de fer torsadé) au niveau :
  • du capot moteur (vis)
  • des carénages (boulons)
  • des attaches de volets (écrous nylstop, autoserrants)
  • des charnières d’ailerons
  • de la profondeur (avec freinage)
D’autre part, nous avons confectionné des pancartes qui sont accrochées à l’hélice en cas de maintenance :
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Démarrage difficile du PA28
Deux pilotes démarrent pour un vol local. Il fait froid à Cannes, le démarrage est difficile. Après avoir fait le plein, le démarrage reste compliqué, il faut s’y reprendre à plusieurs fois. Après un tour de piste, ils rentrent l’avion au hangar.
Le lendemain, j’ai trouvé le primer légèrement déverrouillé, aucun autre vol n’ayant eu lieu entre-temps.
 
Le PRIMER est une petite seringue qui permet d’injecter de l’essence directement dans les tubulures d’admission, au-dessus des cylindres, sans passer par le carburateur. Cette seringue doit ABSOLUMENT être verrouillée dans TOUS les cas (sauf quand exceptionnellement, on doit s’en servir avant le démarrage) c’est-à-dire quand le moteur tourne, lors du démarrage et quand il ne tourne pas.
 
Je rappelle mon message du 18 septembre à ce sujet : 
 
un pilote nous a reporté son retour d’expérience, après avoir annulé son vol :
 
– dès le bloc, j’ai senti au roulage des vibrations non pas énormes mais inhabituelles
– à l’intersection des taxiways Yankee et Whisky, l’hélice s’est arrêtée, j’ai calé
– quand je suis arrivé à la pompe à essence, en mettant la mixture sur pauvre (et pompe électrique off vérifiée), le moteur ne s’arrêtait pas, au contraire il paraissait en meilleure forme que sur mixture plein riche
– j’ai fait qq essais rapidement, je me suis aperçu qu’au ralenti le régime tombait à 400 tours. En revanche à plus de 1000 tours jusque 2000 je n’ai pas identifié de problème
– de retour au hangar, je ne me souviens plus si j’ai à nouveau calé ou si j’ai été obligé de faire magnetos off pour arrêter le moteur
 
Sur ce moteur, il y a un PRIMER. C’est le même moteur que le DR400-180, mais celui-ci dispose de cette option.
En climat tempéré, le primer doit toujours être verrouillé.
Moteur tournant, le primer doit toujours être verrouillé.
Pour démarrer, pas la peine d’utiliser le primer.
 
Bon, mais alors à quoi sert ce truc ?
Ca sert à démarrer un moteur quand il fait très très très froid, c’est à dire qu’il y a du blanc partout autour dehors, des ours polaires, du blizzard et qu’on regrette de ne pas avoir pris de gants pour toucher l’hélice. Autant dire que ça n’arrive jamais à Cannes. Au Canada, en hiver, à la limite… A Paris aussi, rarement.
 
C’est une seringue, reliée à ligne de carburant, qui injecte du carburant directement dans les cylindres #1, #2 et #4 pour éviter qu’il condense et reste dans les tubulures d’admission. Sur les avions à injection, pas besoin de ce système.
 
Quand j’étais en région parisienne, un pilote revenant de vol m’appelle un jour pour râler à propos du Jodel D112 (moteur Continental A65 de 65cv avec primer) qu’il avait pris pour une balade :
– le moteur ne tournait pas bien
– la conso s’était révélée bien supérieure à ce qu’il avait prévu
Après inspection de l’avion, je me suis rapidement rendu compte que le primer était légèrement déverrouillé. Il a eu beaucoup de chance, le moteur aurait pu s’arrêter en plein vol sans prévenir.
 
Quelles sont les conséquences pour nous, pilotes à Cannes ?
– primer déverrouillé = conso plus forte / moteur qui ne tourne pas rond / extinction du moteur
 
Donc ATTENTION !
il faut que le primer soit verrouillé, en toute circonstance.
Et quand vous faites une check “panne moteur / fonctionnement anormal”, ajoutez cet item dans votre liste de vérifications :
M – Mélange Plein Riche
E – Essence = Réservoir (changer) / Pompe ON / Primer verrouillé
C – Carburateur (Réchauffe sur ON)
C – Contacts 1+2
Le primer est verrouillé quand l’écriture est lisible horizontalement – ou verticalement en penchant la tête à gauche (quand on tire dessus l’ergot se verrouille dans une sorte de petit renfoncement situé dans la bague qui entoure la seringue)
 
A leur décharge, la batterie était un peu faiblarde certainement à cause de froid et identifier la cause du mauvais démarrage n’était pas aisé. Cependant, sachez que le PA28 démarre franchement bien par rapport au Mike Novembre. En général il ne faut pas plus de deux tours d’hélice pour l’entendre vrombir !
 
Un autre point intéressant qui relève du facteur humain : l’un des deux pilotes, observateur assis à droite pour cette partie du vol et mal positionné pour observer le non-verrouillage du primer, a pensé à cette éventualité, mais n’a pas osé en parler à son collègue pour ne pas paraître donneur de leçon, étant lui-même plus expérimenté que le commandant de bord.
-> A bord d’un avion, il faut laisser l’amour-propre et la politesse au hangar et ne pas hésiter à faire part d’un doute. Cela concerne aussi les passagers qu’il faut inviter à avoir une part active dans la surveillance du ciel par exemple.
 
En conclusion
 
Dans les trois cas, les soucis rencontrés heureusement sans gravité, auraient pu être évités par une application de la check-list prévue.
J’ai essayé de rendre les check-lists faciles à suivre, homogènes d’un avion à l’autre, avec le moins de points possibles et le plus de logique possible. Elles sont sans doute perfectibles et nous en sommes déjà à la troisième version, mais chaque point qui y est indiqué est nécessaire, soit pour faire fonctionner l’avion dans l’immédiat, soit pour éviter un problème potentiel (plus difficile à imaginer). Suivre la check-list n’est pas un dogme, c’est juste la garantie que tout se passe bien, en prenant aussi en compte ce à quoi un pilote ne pensera pas, les cas tordus etc… 
 
Depuis ma place d’instructeur, je remarque souvent que les check-lists sont effectuées très rapidement, et il est fréquent qu’au moins deux ou trois items soient oubliés alors que je suis assis à côté et qu’il n’y a aucune pression temporelle.
 
Mon conseil : lors du prochain vol, réservez un créneau de 15 minutes supplémentaires, prenez le temps nécessaire pour lire chaque item de la check-list en étant assis dans l’avion. Savourez chaque terme technique, dégustez la beauté de cette prose valsant de droite à gauche entre cadrans, boutons et autres commandes bucoliques. Mettez-vous en situation, imaginez que le moteur tourne, sentez le bruit sourd du lycoming, ressentez la vie exprimée par le réducteur du rotax. continuez votre check-list comme si vous étiez au point d’arrêt, vivez cet instant magique où le régime augmente. Faites votre la poésie de chacun des mots ayant été déposé avec délicatesse à son endroit précis.
Puis arrêtez l’extasie, écrasez le joint et mettez en route pour de bon 😉
 
Merci de m’avoir lu jusque là, et profitez-en pour voler, il n’y a aucun moustique, ils sont tous morts, gelés, écrasés, décédés, aplatis, il ne faudra presque pas frotter l’avion au retour ! Et en plus vous ne prendrez pas le risque de courir en décembre pour faire vos heures !
 
Michel Frère
Chef-Pilote ACCA
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